-Des vies irradiées-
« LA SUPPLICATION
(Svetlana ALEXIEVITCH le 13 octobre 2013
Photo: Daniel ROLAND pour AFP/GETTY)
Prologue:
une voix solitaire »
de Svetlana ALEXIEVITCH
(Prix NOBEL de Littérature 2015)
Le prix Nobel de littérature pour l’année 2015 a été attribué jeudi 8 octobre à l’écrivaine biélorusse Svetlana ALEXIEVITCH « pour son œuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque ».
Svetlana ALEXIEVITCH est née le 31 mai 1948. Longtemps journaliste, elle a construit une bonne partie de ses œuvres à partir d’interviews.
Son premier livre (U vojny ne ženskoe lico, 1985 ; La guerre n’a pas un visage de femme, 2005) s’appuie ainsi sur des entretiens avec des centaines de femmes ayant participé à la Deuxième guerre mondiale. Jusqu’à son livre le plus récent intitulé Vremja second chènd (2013; La Fin de l’homme rouge – ou le temps du désenchantement, 2013) où elle pratique »le collage de voix humaines qui témoignent d’une époque historique pour en approfondir la connaissance ».
L’auteure brise un par un les tabous de l’ex-URSS. Mais ses livres « ne plaisent pas », selon elle, au président biélorusse Alexandre LOUKACHENKO, qui dirige le pays depuis 20 ans de manière autocratique. En 2000, elle fuit son pays pour la France et l’Allemagne, avant de revenir à Minsk en 2011.
L’écrivaine
et journaliste est également connue pour ses prises de position
critiques envers Vladimir Poutine. « L’aisance n’a pas mené à la
démocratie, elle a fait resurgir un état d’esprit impérialiste. Le rêve
russe, c’est d’être un grand empire et d’inspirer la peur »,
écrivait-elle dans une tribune publiée par Le Monde en juillet 2014.
Dans son dernier récit, La Fin de l’homme rouge ou le temps du désenchantement, Svetlana ALEXIEVITCH dresse un portrait – sans concession, mais sans manquer de compassion – de »l’homo sovieticus ».
Plus
de 20 ans après l’implosion de l’Empire soviétique, la liberté manque
encore définitivement à l’appel, mais pas dans sa plume.
Née d’un père Biélorusse et d’une mère Ukrainienne, elle vit intimement les déchirements actuels de l’ancien empire soviétique qui nourrissent toute son œuvre, construite uniquement sur les récits des témoins qu’elle questionne inlassablement, revenant les voir des années durant, jusqu’à ce qu’elle trouve enfin ce qu’elle cherche : « le mystère de l’homme ».
Reprise du spectacle mis en scène par Bruno BOUSSAGNOL et interprété par Nathalie VANNEREAU.
Elena,
femme d’un sapeur-pompier, regarde son mari mourir après être intervenu
pour éteindre le feu de la centrale de TCHERNOBYL.
Une émission de FRANCE CULTURE diffusée le 11 avril 2006.
Ci-joint un texte de Martine LECOEUR pour TELERAMA, en avril 2006:
»
Il y a vingt ans, TCHERNOBYL. L’histoire de la plus grande catastrophe
de l’ère industrielle est aussi celle du mensonge organisé. Celui qui
tua aussi sûrement qu’absurdement; que dire de ces « héros » que l’on
envoya planter le drapeau rouge au-dessus du réacteur une fois enfoui;
le drapeau très vite se consumait, et un nouveau héros plantait un
nouveau drapeau.
Quant
à ce qu’ont vécu les habitants des villages aux alentours de la
centrale, les pompiers, les militaires, il serait difficile de le savoir
sans la volonté , le désir de quelques-uns de rapporter quelles ont été
les conséquences de l’explosion sur les corps, les âmes, la terre, les
arbres. Oui, il s’est passé quelque chose à TCHERNOBYL.
Svetlana ALEXIEVITCH a recueilli la parole de « survivants » . De ce travail de journaliste, elle a fait une oeuvre d’écrivain.
La Supplication donne à entendre la maladie, l’abandon, la mort, mais aussi l’amour, la vie.
Le
feuilleton croise les récits des mères irradiées parlant des
malformations de leurs bébés, d’une vieille qui refusa de quitter son
village et vécut seule avec les rats, d’un homme revenu en cachette
récupérer la porte de sa maison – chez lui on couche les morts sur les
portes…
Les
comédiens donnent leurs voix à ces survivants et leur sobriété sert
magnifiquement la transcription de Svetlana ALEXIEVITCH.
Et
puis il y a le long monologue d’Elena, diffusé dans ce document sonore.
Elena, jeune femme de 23 ans, voit partir cette nuit-là son mari,
pompier Elle parle ensuite de l’hôpital, décrit le corps de son mari
jour après jour, et sa mort; et les sacs en plastique, le cercueil en
zinc, le cimetière de « déchets radioactifs »…Et sous les mots
terribles, c’est l’amour fou que sait transmettre la saisissante et
sensible Nathalie VANNEREAU ».
Durée: 55’54 »
NOTA: J’ai changé un peu le rythme du montage.
Le lien:
FRANCE INTER avec Kathleen EVIN en Mai 2014:
Les lectures diffusées ce soir sont extraites de Fictions-Le Feuilleton, une émission coordonnée par Blandine MASSON, réalisée par Laure EGOROFF et diffusée sur FRANCE CULTURE la semaine du 10 février 2014.
Lectures: Violaine SCHWARTZ, Isabelle LAFON, Annie MERCIER, Martine SCHAMBACHER
Programmation musicale:
Elena FROLOVA interprète Winter wedding (en Russe)
NOTA: J’ai mis un extrait de l’émission et j’ai « resserré » le montage des traductions.
Le lien:
Michel POLAC, sur FRANCE INTER le 24 décembre 1998, présentant, avec une grande émotion, le livre La Supplication de Svetlana ALEXIEVITCH. (Origine INA).
Trois magnifiques témoignages sonores. Merci à celles et ceux qui ont permis cette belle expression.
Je suis évidemment très touché par ces mots, moi l’ancien irradié…
A voir également ces documents essentiels et exceptionnels:
http://lesoufflecestmavie.unblog.fr/2012/05/02/la-terre-outragee/
http://lesoufflecestmavie.unblog.fr/2022/07/02/la-vie-est-belle-presque-thierry-lamireau-2/
CARPE DIEM…
Bonne écoute et bonne lecture.
Thierry LAMIREAU
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